L’IA et l’industrie

L’IA et l’industrie

24 janvier 2025
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Chat GPT, Gemini, MidJourney… nous sommes beaucoup à connaître l’IA au travers des noms de ces IA génératives et à les avoir déjà testées.  Mais l’IA, ce n’est pas que ça ! Appliquée à l’industrie, elle est aussi un outil qui ouvre le champ des possibles pour améliorer la productivité, la qualité, la sécurité et la durabilité des processus de fabrication.   

Pour en savoir plus, nous avons interrogé Latino Loureiro Morais, chargé de veille technologique et stratégique chez FCBA, filière forêt-bois-ameublement. Avec lui, nous vous proposons un tour d’horizon des applications de l’IA dans l’industrie (plus spécifiquement dans l’ameublement) et des défis qu’elle soulève.

On peut décrire l’IA comme un ensemble de théories et de techniques permettant de concevoir des programmes informatiques capables de réaliser des tâches qui requièrent normalement l'intelligence humaine, telles que l’apprentissage, le raisonnement, la résolution de problèmes, la perception, la compréhension du langage, la prise de décision. Il peut s’agir d’algorithmes intelligents, de robots autonomes ou de systèmes d’analyse de données.

 

Les différentes catégories d'IA

Il existe différents types d’IA :

  • L'IA faible ou étroite (Narrow or Weak AI) : Ce type d'IA est conçu pour effectuer une tâche spécifique, comme jouer aux échecs, reconnaître des images ou traduire des langues. La plupart des applications d'IA actuelles relèvent de cette catégorie. Et c’est surtout de cette IA que nous parlerons.

  • L'IA forte ou générale (General or Strong AI) : Ce type d'IA, encore théorique, viserait à créer des machines dotées d'une intelligence générale comparable à celle des humains, capables de comprendre, d'apprendre et de s'adapter à n'importe quel environnement ou tâche.

On peut aussi classifier les IA selon 3 sous-catégories :

  • L’IA descriptive : Elle analyse les données mises à disposition. « Des algorithmes traitent ces données en grande quantité, rapidement et de façon purement objective, pour en tirer un certain nombre de conclusions », explique Latino Loureiro Morais. 

  • L’IA prédictive : Elle utilise les données pour prédire des tendances ou des événements futurs. 

  • L’IA prescriptive : Elle va au-delà de la prédiction en recommandant des actions à prendre et / ou en créant de nouvelles données à partir d’un apprentissage préalable. C’est dans cette catégorie que l’on inclut l’IA générative (ChatGPT, MidJourney, etc…). Toutes ces IA sont capables de générer de nouveaux contenus à partir de ce qu’elles ont appris.

Les applications de l’IA dans l’industrie et plus spécifiquement dans l’ameublement


L’utilisation de l’IA dans la conception

Dans des industries comme l’ameublement ou le textile, l’IA transforme la phase de conception en permettant aux designers de créer plus rapidement des prototypes en 3D, de simuler le comportement des matériaux dans des conditions réelles et de visualiser les produits (meubles, vêtements) dans des environnements virtuels.

Les IA génératives de visuels (Midjourney, Stable Diffusion ou DALL-E) permettent aussi d’assister les créateurs dans la recherche de concepts innovants. En facilitant la création de visuels, elles offrent un outil de « brainstorming » aux designers, qui permet de se faire une idée plus rapide du rendu et d’explorer d’autres espaces de créativité.

Par exemple, en 2017, le designer Philippe Starck a rentré des données dans une IA pour créer la première chaise « designée » par une IA. Cette chaise a été fabriquée avec le savoir-faire des boutiques Kartel : 



L'analyse de données 

Pour l’industrie, l’IA se présente aussi comme un outil très prometteur pour l’analyse de la donnée en grande quantité. Ainsi, comme l’explique Latino Loureiro Morais, « Le traitement de documents textuels est l'un des domaines où l'IA - notamment l'IA générative - est la plus performante. Il existe de nombreux exemples d'entreprises, tous secteurs confondus, qui intègrent dans leur propre knowledge management (leur gestion documentaire) des outils utilisant l'IA. Ces outils sont capables de croiser différents types de documentation provenant de sources différentes et d’en faire une synthèse ». 

Le Groupe Maisons du Monde a notamment choisi d’utiliser Gemini (l’IA de Google) pour automatiser l’analyse des avis clients. Une solution performante lorsqu’il s’agit d’analyser les 50 000 avis clients que l’entreprise recueille chaque année !

L'automatisation des processus industriels

Dans l’industrie, les systèmes intelligents peuvent permettre d’analyser des données en temps réel pour identifier les anomalies et ajuster les paramètres de production, afin d'éviter les erreurs sur la chaîne de production.

Ces possibilités sont aussi appliquées pour le contrôle qualité sur la chaîne de production. « Avec ce qu'on appelle la vision assistée de l’IA, on peut détecter des défauts, faire de l'inspection visuelle à grande vitesse. Cela permet un gain de temps, mais aussi un gain de qualité, dans la mesure où l’IA est plus précise que l’œil humain », explique Latino Loureiro Morais.

Ces pratiques existent dans l’aéronautique ou l’automobile.

A ce jour, l’équipe de FCBA n’a pas connaissance d’exemples d’application de ce type dans le secteur de l’ameublement, mais peut-être parce que les industriels du secteur n’ont pas encore communiqué sur ce sujet. Il en est de même pour l’application suivante : la maintenance prédictive.

Maintenance prédictive :  L’IA permet de surveiller en permanence l'état des machines et des équipements grâce à des capteurs et à l'analyse de données massives. Ces systèmes peuvent prédire les défaillances avant qu'elles ne surviennent, ce qui permet aux entreprises de réduire les arrêts imprévus et d'optimiser les coûts de maintenance.

« Prenons par exemple une surveillance basée sur un système de capteurs permettant d'analyser les vibrations de la machine. Une IA qui aura intégré tous les paramètres dans des conditions de fonctionnement normal de la machine saura détecter le moindre problème, la moindre défaillance. Elle pourra donc prévenir le défaut avant que la panne ne survienne ».

L'optimisation de la chaîne d'approvisionnement et la gestion des stocks : En analysant des volumes massifs de données provenant de fournisseurs, de transporteurs, de stocks et de demandes de clients, l'IA peut prévoir les besoins en matières premières, les fluctuations de la demande et optimiser les stocks.

Sur les plateformes de e-commerce, cette gestion des stocks par l’IA va encore plus loin, puisque les algorithmes d'IA peuvent analyser les tendances du marché en temps réel et recommander des ajustements dans la gestion des stocks.

Dans un même ordre d’idée, le site de vente en ligne de mobilier et décoration, Vente-unique s’est associé avec deux entreprises françaises (Kardinal et Everest) pour optimiser les parcours de livraison des produits à partir d’algorithmes performants qui prennent en compte le trafic prédictif.

La personnalisation des produits selon les préférences des consommateurs

Grâce à l’apprentissage automatique et à l’analyse des préférences des consommateurs, les entreprises peuvent proposer des produits personnalisés tout en maintenant une production à grande échelle, avec des coûts et des délais de production compétitifs.

Par exemple dans l’ameublement, l'IA permet aux consommateurs de concevoir leurs propres meubles via des plateformes en ligne, où ils peuvent ajuster la taille, la couleur, les matériaux et même les finitions en fonction de leurs besoins spécifiques. Ces plateformes d’IA utilisent des algorithmes pour créer des configurations optimales tout en respectant les contraintes de fabrication et les préférences des clients.

Ikea va même encore plus loin dans l’expérience du consommateur, en proposant dans son application de scanner un meuble et de le visualiser chez soi.

Quant à l’IA Interieur AI, elle permet aux utilisateurs de visualiser leurs pièces vides avec des meubles. Par exemple, une agence immobilière qui voudrait mettre en location un bien, peut créer un visuel de la pièce meublée, à partir de cette IA. Une façon de permettre au futur locataire de se projeter !

L'automatisation du service client

L’IA a aussi investi le domaine de la relation client, notamment avec l’installation de chatbots automatisés, qui sont accessibles 24h / 24 et 7j / 7. On a tous au moins une fois eu affaire à ce genre d’agent conversationnel. Ils sont efficaces pour des demandes standardisées, mais lorsqu’il s’agit d’un problème spécifique, nous avons souvent besoin de demander à parler à une personne du SAV.

La génération de contenus pour la communication

Les IA génératives permettent de générer des textes ou des visuels, qui serviront pour la communication autour des produits.

Par exemple, en utilisant une IA pour générer les textes de ses fiches-produits, Maisons du Monde a réduit le temps de travail des rédacteurs web et supprimé les coûts liés à l’agence de production. Bien entendu, l’équipe a eu besoin de vérifier et relire chaque fiche, pour éviter les biais dans les données ou les erreurs dans les textes.

L’IA de Presti permet de générer des arrières plans sur des photos de meubles, à la base photographiés devant un fond blanc. Cela permet aux consommateurs de se projeter mais surtout aux entreprises de réduire les coûts de communication, qui, sans l’IA, aurait nécessité un shooting photo et une prestation de retouche photo.

 

Les risques et les défis posés par l’IA

Au-delà des bénéfices de l’IA, son application dans l’industrie soulève encore de nombreuses questions :  

  • Le risque de la sécurité et la confidentialité des données est présent. Lorsqu’une entreprise paye l’utilisation d’une IA, les données sont stockées sur des serveurs à l’extérieur de l’entreprise. Ce qui pose un défi en termes de traçabilité et sécurité des données.

    De plus, le fonctionnement de l’IA repose sur un apprentissage à partir d’une grande quantité de données. Or, comme le résume bien Latino Loureiro Morais, « Quand on partage de la donnée avec une IA, on n'a pas forcément envie que d'autres clients utilisent cette IA qui a utilisé nos données pour s’entraîner. Surtout s'il s'agit de concurrents. Pourtant, la base de l'IA, c'est d'avoir le plus de données possibles pour pouvoir s'entraîner. C'est donc un équilibre particulier à trouver. Utiliser l’IA, oui, mais en contrepartie, il faut peut-être accepter que ses propres données puissent servir à l'entraînement de l'IA. »  

    La solution serait alors d’implémenter une IA en interne, au sein de l’entreprise, avec des données stockées au niveau local. Mais ce processus est coûteux en termes de compétences et de mise en place.

  • La fiabilité des données : les systèmes d'IA peuvent refléter des biais présents dans les données avec lesquelles ils sont formés. Ce qui remet en question la fiabilité des résultats obtenus. Latino Loureiro Morais : « À ma connaissance, on n'est pas encore capable de préciser le pourcentage de fiabilité d'un résultat obtenu par une IA. Le doute persiste quant à la justesse de la réponse et cela peut être un frein à son utilisation ». 

  • L’intégration de l’IA dans l’industrie induit aussi des coûts d’application. Il faut à la fois avoir les compétences pour implémenter l’IA en interne, le budget pour pouvoir investir dans ces technologies qui peuvent représenter un coût élevé mais aussi le temps pour adapter les anciens process aux nouveaux et pour former les équipes à l’utilisation de l’IA.

    En effet, « les entreprises ont déjà leurs propres systèmes de gestion documentaire, informatique ou financière. Par conséquent, pour implémenter ces nouveaux systèmes, il faut faire en sorte qu'ils fonctionnent avec les anciens. Et si ça ne marche pas, il faut également changer les anciens systèmes d'information. Tout cela a un coût ! ».

  • N’oublions pas non plus la question éthique et du respect des droits d’auteurs, que pose les IA génératives de contenus. Jusqu’où peut-on laisser une IA s’entraîner sur des images ou du texte pour s’en inspirer ? Quelle est la frontière entre la génération d’un nouveau contenu et la copie ? A partir de quand le droit d’auteur ou les droits voisins ne sont plus respectés ?

Et la certification ?

Pour clore notre entretien, nous avons posé la question suivante à Latino Loureiro Morais : L’IA peut-elle un jour remplacer la certification ?

Sa réponse fut sans appel : non ! Car même si l’IA pourrait surveiller la qualité, « Qui certifierait l’IA ? Qui certifierait que l’IA est un bon organisme de certification ? Qui certifierait que l’IA est certifiante ? ».

Dans un monde où l’incertitude et l’asymétrie de l’information tiennent leur place, il semble que des intermédiaires comme les organismes de certification garderont leur mission d’être un gage de qualité et de sérénité.

Enfin, jusqu’à preuve du contraire. Car tout évolue très vite ! Aujourd’hui, on n’est plus sûr de rien !

À bientôt pour un prochain article,

Aurélie

 


Agence de communication : Crea Nostra

creanostra.fr

contact@creanostra.fr

 

 

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Aurélie
Auteur de cet article : Aurélie

Journaliste pour l'agence Créa Nostra

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